Jean-Claude Rennwald: Le socialisme français peut-il rebondir?

von Adrian Zimmermann am 13. Februar 2016

Par Jean-Claude Rennwald, ancien conseiller national PS

L’exécutif français est un cas unique au monde. Après la démission de Christiane Taubira, ce gouvernement de gauche ne compte plus de socialistes ! Tous les ministres qui incarnaient les valeurs du socialisme ont disparu ! La démission de la garde des sceaux révèle un profond malaise et la faillite de la politique social-libérale de François Hollande, Manuel Valls et Emmanuel Macron. En d’autres termes, le socialisme français est au bord du gouffre. Ou du moins ce socialisme qui, de Jaurès à Lionel Jospin et Martine Aubry, en passant par Léon Blum et François Mitterrand, fondait son action sur un Etat fort. Non pas pour régenter l’économie, mais pour la réguler, dans une optique sociale, pour lui donner des impulsions et pour transformer la société dans une perspective plus égalitaire, sur les plans éducatif et culturel. Et tout cela en composant avec les syndicats et les mouvements sociaux.

Drôle de social-démocratie

François Hollande se proclame social-démocrate. Mais son action n’a rien à voir avec les orientations de la social-démocratie des pays nordiques, d’Allemagne et de Suisse. Où est le marché fortement régulé ? Où est le développement de l’Etat social ? Où est le dialogue tripartite entre l’Etat, les syndicats et le patronat ? Où sont la promotion des services et des transports publics, des énergies renouvelables, et l’abandon du nucléaire ? Depuis 2012, aucune réponse n’a été donnée à ces questions.

Déjà onze départs socialistes

Avant Christiane Taubira (en fait radicale de gauche, mais proche du PS), la liste des ministres socialistes qui ont quitté le gouvernement volontairement ou qui y ont été contraints était déjà longue, puisqu’on en compte désormais onze ! Dont Aurélie Filippetti (culture et communication), Delphine Batho (écologie), Hervé Hamon (éducation) et Arnaud Montebourg (redressement productif). D’autres sont partis parce qu’ils voulaient se consacrer à un mandat local, comme François Rebsamen à Dijon ou pour des raisons judiciaires, comme Jérôme Cahuzac, chargé du budget. A cela s’ajoutent les départs de plusieurs Verts, en particulier celui de Cécile Duflot.

La démission de Christiane Taubira est d’autant plus symbolique que la ministre de la justice a été l’auteure de la seule loi progressiste du quinquennat, le « mariage pour tous ». Sur les autres sujets de société, Christiane Taubira a dû plier l’échine, notamment à propos de la déchéance de la nationalité. Concept contraire à l’idée de République et qui ne diminuerait pas la menace terroriste. C’est parce que cette déchéance de la nationalité ne servirait à rien, tout en permettant à la police de se soustraire au contrôle du juge, que Christiane Taubira a claqué la porte.

Où est la politique de gauche?

L’assise de l’exécutif se réduit comme peau de chagrin, ce qui fait dire au magazine Démocratie & Socialisme : « Il est vrai que le gouvernement assume tous les jours un peu plus une orientation qui tourne le dos à la gauche. » Quelques exemples :

  • Fondée sur des allégements de charges sociales aux entreprises de plusieurs dizaines de milliards, la politique économique du gouvernement n’a pas permis de créer un seul emploi. Le chômage est reparti à la hausse en décembre et l’on recense 3,6 millions de chômeurs.
  • Plusieurs ministres remettent en question la majoration des heures supplémentaires au-delà de 35 heures. La « compensation », négociée dans les entreprises, pourrait être inférieure au plancher actuel de 10 %. Myriam El Khomri, ministre du travail envisage même des référendums dans les entreprises pour contourner les syndicats majoritaires !
  • La réforme du Code du travail vise à individualiser les rapports de travail, pour le plus grand bonheur des employeurs.

Une primaire unitaire s’impose

Il y a pourtant des moyens de faire face à la crise. En donnant un coup de pouce au pouvoir d’achat, en renforçant la formation et le soutien à l’innovation pour les PME ou en misant sur la transition énergétique pour créer des centaines de milliers d’emplois dans les énergies renouvelables et les transports publics. Cette autre politique est nécessaire, d’autant plus que la France gronde (manifs des paysans, des taxis, des fonctionnaires, occupations d’usines).

Mais François Hollande veut-il vraiment changer de politique ? Certainement pas. La mise en œuvre d’une autre politique se fera sans ou malgré lui. Pour cela, le PS français et toute la gauche doivent opérer une refondation, à l’instar de celle que François Mitterrand avait effectuée au congrès d’Epinay de 1971. L’idée d’une plateforme unitaire et d’une primaire de toute la gauche – lancée notamment par l’économiste Thomas Piketty – pour la présidentielle de 2017 est un (bon) pas dans cette direction.

Minoritaire, le SPD fait mieux

Le spectacle actuel est d’autant plus désolant que le SPD allemand, minoritaire dans le gouvernement chrétien-démocrate d’Angela Merkel, a obtenu plus de choses en deux ans que les socialistes français, seuls au pouvoir, depuis bientôt quatre ans. En particulier la création d’un salaire minimum, des inflexions dans la politique énergétique et la possibilité, pour les salariés de 63 ans, de prendre leur retraite s’ils ont travaillé quarante-cinq ans. Cette condition est lourde, mais ce progrès est essentiel pour un parti, le SPD, qui avait perdu les élections de 2009 surtout pour avoir accepté le passage progressif de l’âge de la retraite à 67 ans.

 

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